Cristale, poétesse contemporaine






Cristale Landevennec, poétesse contemporaine ?


                                                   Oui mais rimant dans un pur classicisme

L’alexandrin reste son préféré

Et le sonnet son plus cher catéchisme

          Son recueil sert l’Amour inespéré











Ô Breizh, ma bro !


Un bout de terre, un gros rocher,

Quelques langues de sable rose,

Des dunes que le vent compose

Où l’oyat aime s’accrocher ;


Une île, sur la mer d’Iroise

Qui valse aux mots que je lui dis,

Un joyau né du paradis

Qu’aucun matelot n’apprivoise.


Dans une maison de pêcheur,

Délaissée au gré de la houle,

J’ai fait pour deux, loin de la foule,

Un nid d’amour et de fraîcheur.


Priant le ciel pour qu’il arrive

À l’horizon chaque matin,

C’est sur mon îlot clandestin

Que nous voguons à la dérive.


Seuls ses bras savent m’apaiser

Quand il me berce dans la brume

Et que mes dentelles d’écume

S’évaporent en un baiser.


Des tambourins et cornemuses,

« Ô Breizh, ma bro ! », ton étendard

Me fait danser dans son regard

Au chant royal de mille muses.


* « Ô Breizh, ma bro ! » : Ô Bretagne, mon pays !

Cristale




Trilogie



L’attente


Mon front contre la vitre, un jour dure cent ans.

L’automne est arrivé, le noroît éparpille
Les amours, comme l’aube évapore le temps
Des splendeurs de la rose, à l’heure où la charmille
Essaime les rumeurs de pampres crépitants.

La maison sent la cire et le vieux plancher brille.
Sur la table, un couvert est dressé mainte fois ;
Du vin, une omelette, un fumet de morille,
Le parfum des marrons grillés au feu de bois.

Les femmes du village, en toute confidence,
Me disent d’épouser le fils du vieux François
Car nul ne reviendrait d’une si longue absence.

Elles ne savent rien ! Chaque soir je t’attends,
Le regard de ton chien me rassure en silence.

Mon front contre la vitre, un jour dure cent ans.



Une trop longue absence



Je regarde la mer, l’horizon s’éternise.

La dernière tempête a couché l’olivier
Et le bois diminue au fond de la remise.

L’automne, puis l’hiver, les frimas de janvier
Brûlent jour après jour mon courage, et ma peine,
Et la peau de mes mains sous les eaux du vivier.

Les filets recousus, la cale humide est pleine ;
Rudes labeurs auxquels je ne saurais surseoir.
Le vent porte l’écho de quelque cantilène
Sous la lune témoin de nos promis d’un soir.

Le curé nous attend pour nos vœux à l’église…
J’ai mis, avec Francis, les pommes au pressoir,
La rumeur se méprend ; qu’au diable elle médise !
Près du berceau, ton chien, résigné, vient s’asseoir.


Je regarde la mer, l’horizon s’éternise.



L’absence



Six ans, six ans déjà. L’océan me fascine.

L’hiver, puis le printemps, je garde un peu d’espoir.

Le phare éclaire une ombre, esquisse sibylline ;

Un songe inachevé se poursuit chaque soir,

Au bout de l’horizon, là-bas, je t’imagine.


J’ai rentré le bois sec. Il va bientôt pleuvoir.

Les naissains du vivier sont chétifs et j’en tremble ;

Tu prenais tant soin d’eux… Sur les bords du lavoir

L’on dit à demi-mot que mon fils te ressemble.


Mais tu ne savais rien. Son sourire est si beau ;

Je lui parle de toi, nous serions bien ensemble.

Le front contre la vitre il dessine un bateau.


Francis ne viendra plus m’aider à « La marine »;

Il voulait m’épouser, j’ai refusé l’anneau.


Six ans, six ans déjà. L’océan m’assassine.


Cristale





Colère océane



Il s’éveille, à l’étal vierge et blanc,

D’un sursaut se redresse et s’engorge,

Tambourine et frappe de son flanc

Le récif comme un fer à la forge !


Sans un bruit, lointain mais grandissant,

Un mur d’eau surgit telle une trombe,

Colossal comme un torse puissant

Qui rugit, et se gonfle, et se bombe !


Il avance et s’enroule en râlant

Sur le dos furibond de la houle,

Prend les bris dispersés d’un chaland

Et d’esquifs éventrés, puis les coule !


Mascaret plus cinglant que l’éclair,

L’ogre râle à rompre tout silence,

De son fouet pourfend l’eau, cingle l’air,

Le Dieu fou vomit son insolence !


Soulevant jupes de goémon

Et cheveux de varech dans la brume,

Il dévore, inassouvi démon,

Le ressac et ses lambeaux d’écume


Puis s’échoue, épuisé, moribond,

Au berceau maternel de la plage

Et s’endort, comme un vieux vagabond.

Je souris. C’était beau, du rivage.


Cristale


LES AILLEURS DE CRISTALE













Commentaires

  1. Merci Damy de me faire tant d'honneur.

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  2. les trésors de votre " ailleurs " se sont effacés de la page, mais il suffirait de presque rien, un mot pour qu'en mon coeur, ils ressuscitent..." ah oui, je me rappelle ; je les ai tous commentés, je crois... "

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  3. Transportée je suis dans le ressac des rimes..... c'est très beau ! Merci Cristale pour cette trouée de lumière dans le gris de nos jours

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    1. Merci beaucoup à toi, chère anonyme (Isabelle sûrement). La poésie fera toujours voyager l'être intime d'Hélène qui est très heureuse de ton commentaire.

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